Pour la République Centrafricaine toujours !
Célébration du Centenaire du prix Goncourt de René Maran
5 novembre 2021
Batouala de René Maran, prix Goncourt 1921, est donc une radiographie, sous la période coloniale, d’un fragment de la société oubanguienne. Comme au demeurant mais en plus ample, « Voyage au Congo » d’André Gide entre autres.
Oubangui-Chari, « cendrillon » c’est-à-dire servante pauvre, humiliée, « colonie poubelle », du travail forcé, de l’impôt de capitation, partagée que cette dépendance était entre plusieurs compagnies concessionnaires qui disposaient d’une licence d’action sur le colonisé.
Dans le passé, la rencontre entre les peuples des mondes différents a été rarement de plaisirs ou d’échanges de bons procédés. La hauteur de la suffisance, le glaive accompagnaient le peuple conquérant ou colonialiste à l’égard du peuple soumis qui avait résisté comme, en Oubangui-Chari, lors de la « guerre de KONGO WARA » qui a embrasé l’ouest et le nord- ouest notamment
Période de dominant – dominé. Exploiteur –Exploité. Complexe de supériorité ici et complexe d’infériorité là. Homme d’un côté avec tous les droits et sous – homme de l’autre, sans droits.
Dans ce contexte, les valeurs plus admises à notre époque comme celles de respect de l’autre, d’égalité, de fraternité, de dignité, de justice c’est-à-dire de l’unicité du genre humain même portées par la religion du colon étaient souvent étrangères pour le colonisé comme à l’époque de Batouala.
Réclamer ces valeurs ou les faire admettre comme René Maran était inadmissible sinon condamnable. Et René Maran a été cloué au piloris !
Certes, la colonie est loin, mais il ne faut pas oublier ce passé. Elle est partie de notre histoire, de celle de la France et de la République Centrafricaine, toutes deux astreintes au devoir de mémoire.
Ne pas oublier ce passé mais essayer résolument de n’en point faire une fixation.
Si tel est le cas, c’est la revendication et l’accusation constantes, bonnes causes pour nier sa responsabilité en la transférant, de manière permanente, en tout et en rien, sur le tiers d’une part ; d’autre part c’est la justification constante qui éloigne.
Mais surtout, procéder de ces deux manières peut constituer un obstacle à la quête des chemins et mécanismes nouveaux pour asseoir, de concert, plus amplement ces valeurs de la personne humaine admises aujourd’hui.
Assise donc sur une mémoire commune, emprunter des chemins ou rechercher des mécanismes nouveaux tout en renforçant ceux qui existent, veut patience avec l’idée de souffrance et de dépassement de soi que sous- tendent ces mots mais également confiance.
La confiance, élément fondamental de cheminer, construire et de bâtir ensemble. Car cette confiance commande, avec force, les rapports entre les Etats et bien sûr les rapports à l’intérieur des Etats.
Nous disposons pour ce faire d’une langue commune, le français, que René Maran a usé, avec magnifique finesse, pour bâtir cette œuvre d’art qu’est Batouala. Nous disposons également d’un mécanisme commun, la francophonie qui pourrait être un socle pour embrasser plus large.
Car, l’ouverture est une donnée de ce monde actuel et qui veut multilatéralisme. Cependant, l’ouverture ne rime pas avec l’oubli d’un long cheminement commun, avec des hauts et des bas bien sûr.
Cette marche de concert, parfois heurtée, a autorisé et autorise une plus grande connaissance réciproque ; celle- ci peut autoriser, à son tour, la concrétisation du multilatéralisme en associant plus amplement autour de la République Centrafricaine.
Cela, dans la dureté parfois des discussions confiantes empruntes de respect mutuel et sans angélisme aucun, en dehors des lumières et des agitations qui, détournant, empêchent de discerner avec froideur.
Cela, dans la conscience aiguë de ce que sont la souveraineté et l’indépendance de notre Patrie. Celles-ci ne doivent point faire illusion avec ce peu de poids qui est le sien dans cet univers impitoyable de rapports de forces. Frayer son chemin dans ce contexte veut grand tact pour rassembler les volontés pour la promotion des intérêts notamment économiques de la République Centrafricaine.
Notre Patrie a cheminé et cheminera longtemps encore dans le monde francophone. Son ouverture régulière à d’autres mondes réguliers est nécessaire pour leur contribution au retour de la sécurité, de la stabilité et enfin du développement à travers un Etat fort, volontaire et puissamment mû par l’intérêt général. Evidement !
Oui, trouver des mécanismes pour asseoir, à l’intérieur des Etats et notamment de l’Etat centrafricain cette fraternité et solidarité dont parle Batouala.
J’ai été convié à la célébration au Sénat français du Centenaire du prix Goncourt à René Maran, C’était un juste et singulier hommage rendu à ce dernier en ce Haut lieu de la vie politique française,
Mais, par-delà cette invitation qui était celle de continuer de partager une histoire commune, le Représentant du pays de Batouala que je suis a, de nouveau, vu dans ce livre comme un appel à la France et à la République Centrafricaine de continuer d’œuvrer au rapprochement constant autour des valeurs de dignité, de respect et pour asseoir la prospérité en mutualisant leurs intérêts.
Car, Il faut parfois et même souvent disposer des moyens pour faire prévaloir les valeurs humaines.
C’est pourquoi, la République Centrafricaine ne peut pas seulement continuer de s‘enorgueillir de ses potentialités. Malgré les handicaps, la mise en valeur transparente de certaines de ces potentialités devraient donner des produits pour alimenter grandement et régulièrement le Trésor Public. Ce faisant, l’Etat, pourrait apporter, résolument, réponse notamment bien sûr à la question de sécurité mais également à celles de la santé, de l’emploi.
Cette mise en valeur doit résolument apporter aussi à l’Etat les moyens pour la question de l’école et notamment de l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire de Jules Ferry pour le maximum possible de nos enfants, L’école, ce remarquable apport de la colonisation pour contribuer à l’ouverture plus ample de l’esprit et qui est à la base de toutes avancées humaines et notamment de la prévalence des droits de l’homme
Car l’ignorance, la méconnaissance sont la mère des vices et outils par excellence de la manipulation dont on a, souvent, grand peine à se départir des mailles. C’est pourquoi, saisir la pensée de l’autre sans se nier est une remarquable possibilité d’action contre l’emprisonnement notamment de la pensée. En effet, la pensée, manipulée, peut conduire à des actions de grande dangerosité pour soi et pour l’autre.
J’étais également à Montpellier à ce particulier sommet France –Afrique. Malgré la véhémence et l’impertinence parfois des échanges, ce sommet était aussi un appel à la solidarité de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée.
Une évidence après tout : l’Afrique à laquelle appartient la République Centrafricaine et l’Europe à laquelle appartient la France sont voisines. Les voisins sont les premiers recours en cas d’incendie et qui peuvent se trouver des mots et des moyens appropriés de soutien et réconfort puisque se connaissant.
Batouala hier, Batouala aujourd’hui et Batouala demain. !
Honneur et respect à la mémoire de René Maran, Prix Goncourt 1921
MGB
